Bail commercial : offre de vente au locataire
L'offre de vente du local faite au locataire n'est pas nulle lorsqu'elle mentionne des honoraires d'agence immobilière à la charge de l'acheteur, alors même que de tels honoraires ne sont pas dus par le locataire.
La réglementation du droit de préemption
Le locataire bénéficie d'un droit de préemption en cas de vente du local commercial qu'il occupe.
Ainsi, lorsque le propriétaire envisage de vendre le local, il doit en informer le locataire soit par lettre recommandée AR, soit par lettre remise en main propre contre récépissé. Cette notification doit, à peine de nullité, indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée. Elle vaut offre de vente au profit du locataire, qui dispose d’un mois pour se prononcer (c. com. art. L. 145-46-1).
La question des honoraires de l’agent immobilier
Le locataire n'a pas à régler des frais d'agence. Il arrive que l’offre de vente faite au locataire comporte le prix et, en sus, les honoraires de l’agent immobilier. Pour autant, le locataire n’a pas à régler de tels honoraires puisqu’aucun intermédiaire n'est nécessaire ni même utile pour réaliser la vente qui résulte ici de l'effet de la loi.
Ainsi, dans une affaire jugée en 2018, alors qu’un propriétaire avait notifié au locataire une offre de vente aux conditions acceptées par un candidat acquéreur, à savoir un prix de vente de 1,2 M€, augmenté des honoraires de l'agent immobilier de 144 000 €, le locataire avait pu préempter en excluant les honoraires. La Cour de cassation avait validé cette position, tout en précisant : « le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation » (Cass. civ., 3e ch., 28 juin 2018, n°17-14605).
L'offre au locataire est valable même si elle mentionne des frais d'agence. - Une affaire similaire à celle de 2018 a été récemment jugée par la Cour de cassation.
Dans cette affaire, la propriétaire d’un immeuble parisien exploité comme hôtel avait adressé au locataire une offre de vente de l'immeuble au prix de 5 050 000 €, outre une commission d'agence immobilière, aux frais de l'acquéreur, de 300 000 €.
Le locataire n’a pas agréé cette offre dont il a contesté la validité. La propriétaire a alors consenti à une autre personne une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive tenant au droit de préemption du locataire. Puis elle a assigné celui-ci pour en finir avec sa contestation.
Cette contestation a été portée jusque devant la Cour de cassation. Selon le locataire, l’offre de vente était nulle dès lors qu'elle indiquait les frais d'agence, serait-ce séparément du prix de l'immeuble.
La Cour a repoussé la contestation du locataire car il aurait parfaitement pu accepter le prix proposé, hors frais d'agence. L’offre de vente qui lui avait été faite n'était donc pas nulle.
En pratique. La solution donnée par la Cour de cassation est rassurante pour les propriétaires. Reste que leur offre de vente doit être claire et ne pas introduire de confusion dans l’esprit du locataire.
À notre sens, le propriétaire a donc tout intérêt à ne pas mentionner les frais d’agence dans son offre au locataire ou à y préciser que ces frais ne sont pas dus en cas de préemption par le locataire.
Sources : Pour aller plus loin : « Le bail commercial », RF 2020, § 336, Cass. civ., 3e ch., 23 septembre 2021, n° 20-17799.