29.09.2021

Gérant d’une SC condamné à réparer le préjudice en cas de manquement à ses obligations fiscales


Il existe deux types d’action en responsabilité à l'encontre d’un gérant (article 1843-5 du Code civil) :

-     l’action individuelle qui vise à réparer le préjudice causé à un associé ;

-     l’action sociale qui vise à réparer le préjudice causé à la société.

Dans le premier cas, l’associé doit établir un préjudice personnel distinct de celui subi par la société. Lorsque le préjudice allégué n’est que le corollaire de celui qui atteint la société tout entière, la responsabilité du gérant n’est pas retenue (Cass. civ. 3e ch., 22 septembre 2009 n°08-18483). En application de cette jurisprudence, voir aboutir l’action individuelle d’un associé n’est pas chose courante.

Néanmoins, dans un récent arrêt, la Cour de Cassation vient d’en donner une illustration en condamnant un gérant de société civile de construction-vente (SCCV).

  • L’affaire soumise à la Cour de cassation :

Un gérant, lui-même associé, avait établi des déclarations fiscales non sincères et incomplètes et ce, alors qu’il poursuivait l’activité de la SCCV au mépris des résolutions de l’assemblée générale extraordinaire en ayant décidé la dissolution.

Ces irrégularités fiscales ont conduit au redressement fiscal de la société et par ricochet aux redressements de ses deux associés, lesquels ont chacun écopé d’un rappel d’imposition à hauteur de leur participation respective dans la société, ainsi que de majorations de retard et d’une pénalité de 40% pour manquement délibéré.

Considérant son redressement dû aux manquements du gérant, l’autre associé a assigné ce dernier en réparation de son préjudice. Il a été fait droit à sa demande : les juges ont relevé l’incurie du gérant et l’ont condamné à verser 33 998 € en réparation d’un préjudice financier, à savoir l'application des pénalités et intérêts de retard, et 5 000 € en réparation d’un préjudice moral, à savoir la nécessité de trouver rapidement une solution de financement.

La Cour de cassation valide la condamnation du gérant : l’associé a bien subi un préjudice personnel qui, sans se confondre avec celui de la société, est en lien direct avec les fautes du gérant (Cass. civ. 3e ch. 12 mai 2021, n°19-13942).

  • Une solution transposable aux sociétés soumises au régime fiscal des sociétés de personnes :

La solution retenue intervient dans le cadre d’une société civile de construction-vente dont le résultat fiscal est déterminé au niveau de la société mais l'impôt acquitté par les associés à hauteur de leurs droits dans la société. Ce régime fiscal met donc à la charge personnelle des associés les éventuels intérêts de retard et pénalités.

Par analogie, la solution devrait trouver à s’appliquer à toutes les sociétés soumises au régime fiscal des sociétés de personnes similaire à celui des SCCV, notamment les SCI dès lors qu’elles n’ont pas opté pour l’impôt sur les sociétés ou n’en sont pas redevables de droit.

Source : Cas. civ. 3e ch., 12 mai 2021, n°19-13942