18.08.2021

Sanction d’un dirigeant pour une distribution de dividendes qu’il a voté


Le gérant d'une EURL en liquidation judiciaire peut être condamné à régler le passif dès lors qu'il est également le représentant légal de la société, associée unique de l'EURL, et qu'il a décidé une distribution de dividendes ayant entraîné l'insuffisance d'actif de la société.

La responsabilité du dirigeant face au passif de la société :

Lorsqu’une société est mise en liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif, le tribunal peut condamner son dirigeant à prendre en charge le passif de cette société dès lors qu’il a commis une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif (c. com. art. L. 651-2).

Le gérant d'une EURL est également le représentant légal de la société, associée unique de l'EURL. Il décide la distribution de 1 000 000 € de dividendes au titre l’année 2008, et de 500 000 € de dividendes au titre de l’année 2009. La société est ensuite mise en liquidation judiciaire en date du 6 mars 2012.

Il avait commis une faute de gestion engageant sa responsabilité, dès lors que :

-     les distributions de dividendes étaient intervenues deux années de suite dans un contexte de baisse du chiffre d’affaires et du bénéfice la première année, puis de pertes la suivante ;

-     elles avaient eu pour effet de priver la société de la majeure partie de ses réserves, l’empêchant d’inscrire les provisions qu’appelaient l’existence de créances douteuses et un important procès l’opposant à un tiers ;

-     elles avaient contribué à l’insuffisance d’actif par le défaut de paiement d’une partie de la dette issue du litige non provisionné et des honoraires du conseil de la société.

Estimant que les distributions de dividendes ont eu pour effet de priver la société de ses réserves et pour but de favoriser une société dans laquelle le gérant est personnellement intéressé, la cour d'appel condamne ce gérant à prendre en charge l’intégralité du passif de la société.

Le gérant soutient en cassation qu'une faute de gestion ne peut pas lui être reprochée puisque la décision de distribuer des dividendes n'appartient pas au gérant.

La condamnation confirmée par la Cour de cassation.

Une distribution de dividendes initiée par le gérant.

Le recours du gérant est rejeté, la Cour de cassation soulignant qu'il a bien, en sa qualité de gérant, provoqué les décisions de distribution de dividendes qu'il a ensuite prises en assemblée générale en qualité de représentant légal de l’associée unique de l’EURL.

Une distribution de dividendes à l'origine de la faillite de la société.

À l'instar des juges d'appel, la Cour de cassation relève que les distributions de dividendes ont privé la société de ses réserves. Ainsi, elle n’a pas pu provisionner l’un de ces litiges ni, de ce fait, payer la dette issue du procès et les honoraires du conseil. Les distributions de dividendes ont donc aggravé le passif de la société.

Par conséquent, le recours du gérant est repoussé et sa condamnation se trouve confirmée.

Enseignements pratiques :

La Cour de cassation a déjà admis à plusieurs reprises la responsabilité du dirigeant suite à une distribution de dividendes ayant contribué à l'aggravation du passif de la société (cass. com. 25 octobre 2011, n° 10-23671 ; cass. com. 9 septembre 2020, n°18-12444). Dans ces situations, le dirigeant était également le représentant légal de la société, associé unique de la société distributrice de dividendes ou, tout du moins, associée ultra-majoritaire.

En pratique, la décision de distribuer des dividendes doit s'apprécier au regard de la situation de l'entreprise et de sa trésorerie. Lorsque cette distribution est manifestement excessive par rapport aux réserves de la société ou si celle-ci est décidée alors que le résultat est déjà déficitaire, le dirigeant peut, le cas échéant, engager sa responsabilité si la société fait ensuite l'objet d'une liquidation judiciaire.

Source : Cass. com. 8 avril 2021, n°19-23669