Les télétravailleurs ont-ils le droit aux titres restaurant ?
Ce mode de travail a des conséquences sur plusieurs sujets, et notamment sur l’attribution des titres restaurant.
Deux récentes décisions judiciaires se sont penchées sur le sujet.
Tribunal judiciaire de Nanterre – 10 mars 2021
Dans cette affaire, des sociétés d’une même unité économique et sociale (UES) attribuaient des titres-restaurant à leurs salariés affectés sur un site qui n’avait pas accès à un restaurant d’entreprise, ainsi qu’aux salariés en télétravail.
Ces sociétés ont placé la plupart de leurs salariés en télétravail dès le premier confinement de mars 2020 et ont, à partir de cette date, cessé d’attribuer des titres-restaurant aux salariés en télétravail.
Une organisation syndicale a alors saisi le tribunal judiciaire de Nanterre en soutenant que, pour chaque jour travailler au cours duquel le repas est compris dans les horaires journaliers des salariés, ces derniers doivent bénéficier des titres-restaurants.
Pour rappel, le Code du travail dispose que le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. L’ANI du 19 juillet 2005 relatif au télétravail évoque le principe de droits et d’avantages identiques entre les télétravailleurs et les salariés sur site « en situation comparable ».
Le tribunal judiciaire de Nanterre ne donne pas gain de cause au syndicat en estimant qu’un télétravailleur qui peut se restaurer chez lui n’est pas dans la même situation qu’un salarié sur site
Pour le tribunal, l’objectif poursuivi par l’employeur en attribuant ces titres-restaurant était de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile. Or, relève le Tribunal, les salariés de l’UES, placés en télétravail, le sont à leur domicile.
Le tribunal en déduit que les salariés télétravailleurs ne sont pas dans une situation comparable aux salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise. En l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, ces salariés ne pouvaient donc pas prétendre à l’attribution de titres-restaurant.
Tribunal judiciaire de Paris– 30 mars 2021
Dans une affaire similaire, les salariés de la société Schlumberger bénéficiaient de titres-restaurant papier jusqu'à leur placement en télétravail pour la majeure partie d'entre eux à compter du 17 mars 2020 en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19.
Par courriel du 20 avril 2020, ils sont informés de la décision de la société de réserver l'attribution des titres restaurant aux seuls employés travaillant sur site et non à ceux exerçant leur activité en télétravail.
La société soutenait que « le titre-restaurant a pour objectif de permettre au salarié de se restaurer lorsque celui-ci ne dispose pas d’un espace pour préparer son repas, ce qui s’accorde peu avec le salarié en télétravail qui dispose de sa cuisine personnelle et qui n’a donc pas à se limiter à des plats immédiatement consommables ». D'autre part, « si le télétravailleur fait le choix de ne pas travailler depuis son domicile mais depuis un autre lieu, par exemple un espace de coworking, cela ne résulte que de ses convenances personnelles et ne saurait lui créer le moindre droit vis-à-vis de son employeur ». Enfin, l'employeur estimait que « le salarié ne peut pas utiliser un titre-restaurant pour acheter autre chose qu’un repas en restaurant, ou un repas directement consommable (même si celui-ci doit être décongelé) ou des fruits et légumes même non directement consommables, ce qui exclut que le salarié s'en serve pour financer ses courses de la semaine ».
Contrairement au tribunal judiciaire de Nanterre, le tribunal judiciaire de Paris estime ainsi que la société « ne justifie pas de ce que les télétravailleurs se trouvent dans une situation distincte en raison notamment des conditions d'exercice de leurs fonctions de sorte que le refus de leur attribuer des titres-restaurant ne repose sur aucune raison objective en rapport avec l'objet des titres-restaurant ».
La société est condamnée à attribuer aux salariés en situation de télétravail des titres-restaurant pour chaque jour travailler au cours duquel le repas est compris dans leur horaire de travail journalier.
Il s’agit là de deux décisions de première instance à prendre avec précautions, en attendant une position officielle de la Cour de cassation.
Sources : Tribunal judiciaire Nanterre, 10 mars 2021, n° RG 20/09616, Tribunal judiciaire de Paris, 30 mars 2021, n° RG 20/09805